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De la Pertinence du Poiré


Le poiré, ou cidre de poire, est loin d’être une spécificité française. On le trouve par exemple dans certaines régions rurales de Grande-Bretagne, mais aussi en Allemagne, en Autriche et en Suède, ainsi qu’en Espagne ou en Californie. Mais son lien de parenté avec le cidre en fait un produit tout indiqué pour se développer dans l’ouest de la France, au climat doux et tempéré. Plus précisément, on en fabrique depuis longtemps dans une région englobant plusieurs départements administratifs : l’ouest de l’Orne, le sud de la Manche, le nord de la Mayenne et de l’Ille-et-Vilaine. A savoir sur les premiers contreforts du massif armoricain, dont le sol convient parfaitement à la culture du verger de poires. Il existe même un village de l’Orne, Mantilly, qui passe pour être la capitale du poiré, et qui tous les ans célèbre la fête de cette boisson durant le dernier week-end de juillet. Cependant, la reconnaissance officielle de ce produit est récente, puisque le poiré du Domfrontais, réputé pour être le meilleur d’entre tous, n’a obtenu son appellation d’origine contrôlée qu’en 2002. Mais il faut savoir aussi que ce même pays englobant Mantilly s’est fait connaître dans le passé à plusieurs reprises. Ainsi, en 1639, c’est en partie de là que débuta la révolte des va-nu-pieds. Il s’agissait d’un mouvement de contestation populaire, qui par la suite gagna toute la Normandie, et qui trouvait son origine dans l’adoption d’un impôt décidée par Louis XIII, la gabelle. La région normande, à l’époque une des plus riches du royaume de France, ayant été mise à contribution pour assainir les finances de l’Etat. L’intervention française durant la guerre de trente ans ayant entraîné de fortes dépenses, et fragilisé les finances publiques. Plus tard, durant la période révolutionnaire, Mantilly fut un haut lieu de la chouannerie normande. Enfin, toujours à Mantilly, débuta en mars 1935 la révolte des bouilleurs de cru. Une profession aujourd’hui quasiment disparue, mais qui à l’époque possédait encore le privilège de fabriquer et commercialiser l’eau-de-vie dans les campagnes. C’est justement pour lutter contre l’alcoolisme rural, et sous la pression des distillateurs industriels, que l’Etat finit par interdire le privilège héréditaire des bouilleurs de cru. Car il existait à cette époque une véritable mafia de la goutte, au pays des bouilleurs de cru, avec ses débitants et ses clients, ses négociants et ses fraudeurs, ses trafics et ses voyous, et une répression en conséquence, bien sûr. Ce qui signifie qu’une véritable économie parallèle empoisonnait la vie des campagnes normandes en ce temps-là, jusque dans les contrées les plus reculées. Un ouvrage publié en 1935 par Gilbert Stiebel parle de la chose, en détaillant toute la filière, son origine et sa raison d’être.

 

 

Aujourd’hui, cette époque est révolue, et c’est avec une fierté légitime que les habitants du Domfrontais font découvrir aux visiteurs leur poiré et leur eau-de-vie de poire, ainsi que les vergers qui en sont à l’origine. Le poiré se boit frais, et peut servir à accompagner les desserts, comme par exemple la tarte aux pommes. A noter aussi l’existence confidentielle du poirineau, l’équivalent du pommeau, mais avec du jus de poire et de l’eau-de-vie de poire.

 

 

Finalement, l’élaboration et la production du poiré d’aujourd’hui sont à la hauteur de ce que cette contrée a pu être au cours des siècles écoulés. La région restant égale à elle-même, au-delà des bouleversements politiques ou industriels. Même s’il n’a jamais atteint la popularité du cidre, le poiré demeure néanmoins un savoureux produit de terroir, fermement ancré dans la tradition, mais en même temps ouvert à toute suggestion gourmande. En fait, c’est un peu une incitation à la gourmandise, en mangeant un gâteau ou un dessert que le poiré saura mettre en valeur. Bien loin de la pensée unique, et de cette nourriture au rabais que certains préconisent comme seul remède à la crise. C’est là que la pertinence du poiré est manifeste, comme antidote à la morosité ambiante et au tourisme aseptisé, loin des clichés et des idées reçues. N’est-il pas un argument de poids, presque un trésor, en fait, contre l’aspect douteux de certaines boissons industrielles connues dans le monde entier ?




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